Claironnent les douze coups de minuit [Melena]_

Le manche casse net sur le sommet du crâne chauve. L’homme lâche un soupir qui vient du fond de sa poitrine. Mais il ne tombe pas. Dans la pauvre lueur de la lune pleine noyée par les brumes, sa face congestionnée se dessine, partagée par une rigole de sang noir dégoulinant de sa calvitie. Je vois la bouche s’ouvrir toute grande dans la figure replète du bourgeois moldu. Saisi, j’abandonne l’inutile tronçon de pelle pour empoigner le coutelas passé dans son ceinturon. Mais, je n’ai pas le temps de dégager entièrement la lame que ma victime indocile se met à hurler.

- Au secours ! A moi ! A l’assassin ! On me tue !

J’hésite, mes doigts mollissent sur le manche de corne. Derrière moi, un volet s’ouvre, se rabat avec un claquement rageur sur le mur. Dans la lumière pâteuses des réverbères, une première silhouette apparaît à l’huis. Désormais, il est trop tard pour que mon vilain dessin ne s’accomplisse. Des voix de plus en plus nombreuses enflent dans les rues, se mêlant à celle du bourgeois imparfaitement assommé. Puis, des chiens se mettent de la partie et un coup de feu aveugle se perd dans la nuit. Sans un regard de plus pour le gros homme qui ne cesse de hurler, Je m’éloigne, poings serrés, coudes au corps. Un regard en arrière jeté au bout d’un vingtaine de foulées me permet de voir les lumières de nombreuses lampes torches s’entrecroiser.

- Il est partit par là !

J’accélère, m’enfonçant dans une rue pavée prise en tenaille entre des murs aveugles. Les imprécations s’étouffent dans la distance. Les chiens aboient toujours, mais il ne me semble pas qu’une poursuite sérieuse se soit organisée. Après tout, il n’y a pas mort d’homme. Malgré le sang perlant sur le cuir chevelu entaillé , le stupide moldu avait eu plus de peur que de mal, ses cris en étaient témoin. Le pire… c’est que dans l’affolement, je n’ai pas réussi à lui soutirer sa bourse et me retrouve une fois de plus, sans le sous. Alors, comme lors de nombreuses nuits, j’allais devoir faire le gigolo dans les quartiers chauds de Londres pour payer mon pain. Cela fait 3 ans que je fais ce métier et j’ai appris à ne plus me répugner de rien. Et puis, il y a pire comme job. Quand je vois tout ces braves gens qui s’affolent pour se rendre à leur travail duquel il ne ressortiront que tard le soir je me dis que je n’en suis pas trop mal sorti. Moi, il me suffit de glisser la main dans la braguette d’un vieux monsieur et 10 minutes plus tard j’ai de quoi me remplir l’estomac. Et encore, ça ce sont mes pires journées car il y a des jours où je vend mes services à de sublimes créatures. Le seul inconvénient de ce métier c'est que des fois cela m’arrive d'avoir des pannes à cause du surmenage, m’enfin c’est une bien faible chose comparée aux exigences des travails honorables. Doucement, je ralentis l’allure, la place de mon mauvais coup raté est loin derrière moi à présent. Je longe les bords de la Tamise.

Soudain, Une goutte tombe, s'écrase sur la pierre comme une larme d'un chagrin trop immense. A mes pieds je vois les taches rondes s'accumuler, accompagnées par le crépitement familier des pleurs des nuages. Le vent se met à souffler, et les rideaux gris perle de l'averse ondoient doucement à la surface du fleuve indolent qui s'écoule à mes pieds. Une rafale plus forte que les autres me fait vaciller un instant, mon pied glisse sur le parapet, je me rattrape au lampadaire luisant à côté de moi. Tout ruisselle. Tout luit. Demain, si tant est qu'une aube se lèvera sur pareille solitude, tout sera brillant au soleil. J'imagine déjà la course des nuages au-dessus des toits, la lumière mouvante des trouées de soleil, les rayons dorés plongeant jusqu'à terre pour caresser la ville. J'imagine les flots bruns du fleuve, ses tourbillons qui envahiront les quais, les parcs et mettront les pieds dans l'eau les jardinets qui le bordent, là-bas dans sa longue courbe paresseuse. Mais pour l'heure la pluie tombe, et le temps passe. Une heure sonne à une église proche. Un unique son de cloche qui perce la musique de l'eau sur les pavés, le grand ruissellement des gouttes sur les toits sombres, et les clapotis des remous sur la pierre. Une heure, aussi solitaire que moi, un son qui me fait frissonner. Bientôt, je quitte les bords de la Tamise pour me retrouver dans ce que l’on appelle « les quartiers chauds » de Londres. Prestement, je me dirige vers le club de strip-tease afin de me mettre au sec. Le club de strip-tease est l’endroit idéal pour racoler des clients. L’entrée est gratuite si l’on a les bon contacts, ce qui est mon cas. Cette nuit, il y a bien peu de monde. Je reconnais une jeune femme qui, quelques nuits auparavant, avait eu peur en découvrant mes tatouages et s’était rhabillée en marmonnant qu’elle ne voulait pas donner son corps à un fils du diable. La garce m’avait fait perdre mon temps… Je m’assied à un table, et attend que quelqu’un me sollicite. Non pas que « Gigolo » soit inscrit sur mon front mais ma réputation ici n’est plus à faire, ni à prouver.

Spoiler:

Soho. Quartiers Rouges. Le genre d'endroit où on ne trouve jamais de gens « bien ». Drogués, prostituées, voleurs, violeurs, meurtriers, esclaves de sang, donneurs, renégats, SDF, vampires, loups-garous et tous les dérivés du genre. Non décidément, il ne fait pas bon de fréquenter Soho si on veut éviter les ennuis. Si on veut éviter d'être coincé dans une ruelle à la merci d'un monstre, à la merci d'une soif de sang incontrôlable. Seul les fous s'y aventurent s'ils ne sont pas chez eux. Des fous, du sang neuf, c'est toujours bon à prendre…

Ce soir j'avais des choses à faire avant de chasser pour le plaisir. Ne négligeons pas le travail. Je ne devais pas le négliger, ça m'empêchait de penser. Si je ne pensais pas, je me contrôlais. J'avais tourné une page il y a peu, je l'avais collée avec du sang de façon définitive et j'avais repris mon ancienne vie de luxure, de débauche et de sang. C'est tellement mieux, tellement plus agréable, tellement plus…Simple. La simplicité peut sembler lâche, mais je m'étais bien trop compliquée la vie durant vingt ans pour continuer une minute de plus. Je pensais au sang, à ma proie, au vampire que je devrais tuer ce soir. Au renégat qui rejoindrait nos semblables en Enfer.

Ce renégat qui se pensait plus rapide que moi. Le pouvoir du sang humain ne pouvait être comparé à celui du sang animal. J'en avais fais l'expérience, et la simple pensée d'avaler une gorgée de sang fade, si pauvre en énergie, qu'est celui d'un animal, me donne la nausée. On ne commet aucun pêcher en ôtant la vie de ces êtres. Le pêcher réside dans le meurtre, pur délice…Je sautais de toit en toit, ma proie courrait au sol. Nous étions rapide, tel des courants d'air. Je me laissais porter par les ténèbres, et je finis par atterrir derrière lui, le coinçant dans une ruelle.
Bam.
Une balle UV dans la jambe.
Un hurlement.

-T'a pas le droit de nous abattre comme du gibier bordel on est de la même race!
-Tes yeux dorés disent le contraire. Les renégats doivent être éliminés, c'est un ordre d'Ailyn. La situation ne nous permet pas de vous laisser vivre. Tais-toi et accepte la mort rapide, ou je te ferais souffrir.

Je désirais le faire souffrir mais une exécution se doit d'être rapide. Une balle à UV se logea dans son crâne, l'explosant à moitié. Les seules balles capable de toucher, de tuer un vampire, sont celles-là. Elles annihile la majeure partie de nos capacités de régénérations, un peu comme les balles en argent pour les loups-garous. Je sortis un briquet et l'enclenchait. Une flamme, petite et pourtant si dangereuse, en sortit. Mon instinct aurait voulu que je m'éloigne de cette menace, mais les gants de cuir noirs protégeant mes mains suffiraient à m'empêcher de flamber. A peine le feu effleura-t-il le corps qu'il flamba sec, sans comburant. Les vampires, ça brûle bien…La simple pensée déclencha un frisson le long de mon échine.

Il était déjà retourné à la poussière quand je m'éloignais. Tuer…Un acte maudis, un pêcher, cela faisait de moi une criminelle dans toutes les religions et aux yeux de toutes les lois. Sauf des nôtres. Nos lois, les lois vampires. De ce meurtre, je retirais plusieurs choses: La satisfaction du devoir accomplis, l'excitation que procure la mort et un peu d'énergie. J'en aurais eu d'avantage en le massacrant mais je ne voulais pas tâcher ma tenue. Le sang, ce n'est pas récupérable ou alors très difficilement…

Je retournais au cœur de Soho. J'avais envie de me nourrir, là, maintenant, tout de suite. Trouver une proie serait chose facile. N'importe quel homme se laisserait entraîner dans une ruelle en croyant avoir droit à mille plaisirs interdits et en se retrouvant la gorge arrachée au final. Tout en marchant je regardais autour de moi. Un drogué me dévisageait d'un drôle d'air, je l'ignorais. Je sentais chaque substance qu'il avait ingérée et son sang en perdait toute saveur. Oublions le…A cette heure-ci, toutes les personnes dehors se shootaient ou fumaient un joint. Désespérant…Autant entrer dans un bar, ou trouver un esclave de sang. Ça prendrait un peu plus de temps, mais le résultat serait identique. Ne voulant pas aller plus loin, j'entrais dans le club le plus proche. Strip-tease…L'air empestait les hormones, l'alcool, la sueur, et d'autres choses non citables dans une conversation plus ou moins correctes. Je repérais un vampire solitaire dans un coin sombre, des hommes au portefeuille généreux près des danseuses –et parfois sous les danseuses, puis une autre odeur attira mon attention, en dehors du sang. L'odeur de l'hormone vampire, l'odeur caractéristique des donneurs consentants. Je parcourus l'endroit du regard et le localisais près du bar. S'il s'y connaissait un minimum il me repèrerait. Inutile de tourner autour du pot de toute façon. Je m'assis au bar, juste à côté, et le barman m'interpella avant que j'ouvre la bouche.

-Je vous sers quelque chose mademoiselle?
-Je doute que vous serviez ce que je bois en temps normal.
-On sert de tout!
-Vraiment…?

Je souris en découvrant la pointe de mes canines et il s'éloigna vite sans demander son reste. Ces humains vraiment…Si on pouvait s'en passer! Dommage il était mignon, j'en aurais bien fais mon quatre heures…Bref, je pus me concentrer à nouveau sur l'esclave de sang à côté de moi. J'approchais de son oreille pour pouvoir lui murmurer tout bas:

-J'espère pour toi que tu joues les donneurs consentants ce soir…

Même si ce n'était pas le cas je lui prendrais son sang. J'avais décidé qu'il serait ma proie –enfin l'une de mes proies- pour ce soir. Et plus si affinités? A voir...

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» Cold Blood & Death Angel - Melena E. Alcott.
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